Or donc hier soir, samedi 24 novembre, j'ai eu l'immense plaisir d'assister au fameux gala équestre à Bercy, rien que ça, les quatre académies équestres d'Europe réunies en un show exceeeeeptionnel mesdames-et-messieurs rien que pour vous! (retransmission sur Paris Première aussi).
Qui sont donc, ces académies, le Cadre Noir de Saumur en France, Die Spanische Hofreitschule de Vienne en Autriche, la Real Escuela de Jerez en Espagne, et l'Escola Portuguesa de Arte Equestre à Queluz au Portugal. Des vecteurs des traditions équestres du XVIIe siècle, codifiées notamment en France à Versailles par Antoine de Pluvinel et François Robichon de la Guérinière, et transmises et adaptées en ces différentes académies.
On s'accorde généralement à dire que la plus pure équitation académique est celle des écuyers de Vienne: pure dans sa pratique, avec les airs de haute et de basse école, pure aussi dans la beauté, la légèreté, l'harmonie du travail. Les Saumurois ont quant à eux allié à la rigueur des airs d'école la dimension sportive, qui s'est développée par le biais de l'équitation militaire au XXe siècle, délaissant peut-être un peu la discipline du dressage pur pour se tourner vers une certaine polyvalence encouragée par la création de l'Ecole Nationale d'Equitation. Les Espagnols, eux, allient à l'académisme leurs traditions d'équitation de travail, la doma vaquera, deux types de monte qui interagissent très fortement, et qui sont teintées de ce machisme flamboyant, tant de la part des écuyers que de leurs chevaux. Enfin, les Portugais essaient, après la disparition de la comète Nuno Oliveira à la fin des 80's, de revenir à la pureté des airs classiques; l'école est jeune encore... Enfin, la boucle est bouclée.
Et donc, ce soir, le spectacle était un condensé de ces différentes tendances académiques, et l'émulation ainsi créée entre ces 4 écoles m'a ravie, et me laisse pensive aussi. On y a vu de très belles choses: la perfection de Vienne (oui, je ne cesse de le répéter, mais si la perfection équestre est de ce monde, c'est en Autriche qu'elle se trouve), la simplicité épurée du geste français, la vigueur espagnole, le brio portugais. De Vienne, je dirais qu'il lui manque le brio portugais, qui est amené par leurs chevaux (encore que je ne tienne pas les Alter Real pour la meilleure lignée au monde, loin s'en faut); des Portugais, je dirai qu'il faudrait qu'ils relisent Nuno Oliveira pour gagner en légèreté (ou qu'ils regardent les Viennois). Des "hommes en noir", il leur faudrait plus de souplesse, et d'harmonie; souplesse qui pourrait leur être amenée par les chevaux des Espagnols, lesquels feraient bien d'ailleurs de s'inspirer du tact de nos Saumurois...
En fait, c'est un tout, d'hommes et de chevaux, avec leurs qualités et leurs défauts; ils oeuvrent ensemble ou en solo, à pied ou monté, en haute ou en basse école.
Des pépites, dans tout ça? Le carrousel des Viennois, bien sûr. La perfection, une fois de plus.
Et le meilleur pour la fin: la reprise en musique de Rafael Soto Andrade sur le PRE blanc Invasor II. Couple que j'avais vu lors d'un concours à Saumur il y a maintenant un an et demi, qui s'est "retiré" en octobre 2006, et que je n'espérais plus jamais revoir, sauf peut-être en allant en Andalousie. Mais le cheval déprimait dans sa retraite, alors il participe encore à des spectacles, de temps à autre, pour son moral. Et c'est dans ce couple magique (je pèse mes mots, croyez-moi) que l'on a vu, finalement, toute la beauté que le dressage prend quand il se transforme en Art. L'homme sourit, crâne, avec sa frimousse de vieux gnome retors; le cheval s'amuse, ronfle, se donne dans ses mouvements, tout est fluide, il est tour à tour enjoué et majestueux, dansant au rythme de la musique qui accompagne parfaitement ses allures. Le passage est élevé, le piaffer rond. La pirouette au galop s'effectue dans un glissement. Les allongements au trot sont planants. La dernière ligne droite, qui voit s'enchaîner une pirouette sur les hanches au piaffer, suivi d'une remontée au passage de la ligne médiane de la carrière, est somptueuse: le cheval est léger, dans un tempo parfait. Le cavalier est fier, il regarde droit devant lui sous le bord de son chapeau, le dos cambré; il tient à peine ses rênes d'une main, l'autre est négligemment posée sur sa cuisse. La musique s'arrête lorsque le cheval est au bout du doubler, le cheval s'arrête en même temps. Et le cavalier, fier, jette son chapeau en l'air en criant, et s'effondre sur l'encolure du cheval pour le féliciter et le caresser. C'est beau. C'est le centaure qui vient de naître sous les yeux de 15.000 personnes debout et battant des mains, et pourtant, ils sont seuls au monde. Dans leur monde.
Je n'en suis pas revenue.
En vidéo:
http://www.youtube.com/watch?v=sb2kSDJsto8' target='_blank'>La reprise d'adieux d'Invasor, c'était la même hier
Les enfants, c'est un "billet d'humeur" que j'ai écrit à 2h du mat' en rentrant du spectacle; je ne veux pas de polémique, merci. C'est complètement subjectif. Maintenant, vous avez le droit de dire ce que vous avez aimé, ou pas.